Amandine Saint Martin (Haïti)

29 05 2025

Quand l’esprit du vodou s’incarne devant nous...


Inititiation avec les élèves de Christine Zwingmann et Amina Jules Dia, autre résidente de la maison du Goupillou
© Arnaud Galy

J’apprends donc à faire des choix comme je ne peux m’empêcher de me compliquer la vie. J’ai choisi le vodou, la musique racine, les danses traditionnelles, la recherche et la poésie, la simplicité volontaire, la militance.

Amandine Saint Martin prépare soigneusement sa sortie de rési-danse
® Amina Jules Dia

Dépasser sa peur pour embraser ses convictions. Je suis née dans le catholicisme et en Haïti malgré notre Indépendance en 1804, le vodou et les vodouisant sont diabolisés. Ce n’est pas toujours facile de le faire accepter par son entourage. Dans « SAVALOU E » un texte à conviction de Rachel et Didier Dominique, on relate les crimes des campagnes antisuperstitieuses organisées par l’Eglise catholique, dites campagnes des rejetés : on a vandalisé les temples vodou, massacré les cochons noirs des paysans, coupés les arbres sacrés, et forcé les vodouisants à déclarer leur conversion, à rejeter le vodou.
Dépasser sa peur de l’engagement et de la militance. En Haïti, le cri de guerre des Amérindiens Taïnos Caraïbes Ciboneys donc, eux qui ont subi un génocide avec l’arrivée des colons espagnols en Amérique, Ayabombé ! Qui signifie « Vivre libre ou mourir ! » Moi, je dis, j’y suis né, j’y reste…malgré l’insécurité, les gangs qui occupent près de la moitié de la capitale, lourdement armés, mieux équipés et mieux organisés que la Police même dans un État où c’est le chaos…
J’habite mon corps comme j’habite mon œuvre, comme j’habite ma ville, comme j’habite ma presqu’île, comme j’habite la Terre et l’univers infini. Rien n’est fini ! Quoique un esprit m’a dit : Ayiti fini ! Aujourd’hui, l’espoir est têtu dans mon pays… mais les présages sont mauvais, les temps sont sombres, la mort flotte au-dessus et autour…

Amandine Saint Martin



24 05 2025

Amandine Saint Martin en balade à Saint-Jean de Côle, en quête d’autres sources...
© Arnaud Galy

Depuis quelques jours, la maison du Goupillou tourne à plein régime. Amandine est toujours là, Amina est arrivée et, cerise sur le gâteau, Claudia est en approche ! Reprenons le fil...
Amandine Saint Martin termine tout en douceur sa résidence. La jeune femme maintient un équilibre parfois acrobatique qui consiste à ne pas lâcher ses objectifs de résidence tout en ne se désolidarisant pas des nouvelles haïtiennes, toujours aussi peu ensoleillées. Les siens souffrent, disparaissent même, les interrogations sur son retour et sa reprise d’activité apparaissent... le décalage horaire entre Port-au-Prince et le Périgord vert laisse peu de temps pour des repos salvateurs. Pourtant, jeudi prochain, Amandine proposera au public sa « sortie de rési-danse  ». Moment énergivore qui, personne n’en doute, embarquera chaque privilégié présent dans un moment de réflexion politique et rythmée...

Amina Jules Dia est, donc, arrivée... 23 ans de légèreté, comme un plume. Attention, pas n’importe quelle plume, une plume de paon, s’il-vous plaît. Pourquoi donc ? La réponse est simple, dans une autre vie, Amina fut paonne, ou paon qui sait ? Elle n’en démord pas. Son long foulard bleu noué dans les cheveux est un clin d’œil à la roue multicolorée de ses aïeux.

La surprise de cette filiation inattendue passée, nous organisons une sortie chez un couple d’amis de la maison du Goupillou chez qui trois paons s’égosillent du haut d’un chêne centenaire et biscornu. Une paonne couve plus loin à l’abri des renards. Amina sautille, appareil photo en main. Obnubilée par les paons perchés, Amina fonce droit sur une ruche. Halte là !
Nous passons la soirée à papoter dans le potager entre poivrier du Sichuan, jeunes plants de bourrache et chats fétichistes des genoux ! Muriel offrira à Amina un bouquet de plumes de toutes les tailles. Plus psychédéliques les unes que les autres. Le Créateur des paons ne s’est pas moqués d’eux, qu’avait-il fumé au moment de choisir la palette de couleurs ! D’autant plus que le bleu n’est semble-t-il pas une couleur naturelle chez le volatile, il n’est le résultat que du jeu de la lumière sur la plume (1). Inlassablement, les paons abandonnent leurs plumes chaque été, profitons-en !

Merci les amis, Muriel, Thibault, Laurent... une résidence est un moment de solitude, certes, mais aussi l’occasion de se nourrir d’expériences nouvelles, de rencontres surprises et surtout de « léooooooner  »(2) avec des paons d’une autre latitude. Chose faite pour Amina. A refaire sans doute...

En début de semaine, la maison du Goupillou aura pour la première fois de sa jeune existence, trois résidentes. Ensemble. Nous aurons le grand bonheur d’accueillir pour un mois allongé de quelques jours, Claudia Shimwa. Rencontrée au Festival des Zébrures de Printemps en 2023, Claudia est rwandaise, aussi à l’aise derrière un clavier que sur scène. Amina et elle partageront le mois de juin ici. Ça va pétiller...

Dans l’attente, les deux jeunes femmes assisteront à la « sortie de résidence » d’Amandine. La maison du Goupillou et Beaurecueil – Forge de la Poésie sont aux anges ! La part des anges enivre...

(1) Merci Laurent et Thibault pour le cours de « sciences de la vie ».
(2) En France, « Léon » est l’onomatopée que l’on associe au chant (cri) du paon. Prononcer allongé...




03 05 2025

Amandine Saint Martin est parmi nous !

Limoges
C’est dans la plus belle gare de France, ne rechignions pas à user de l’envolée régionaliste, qu’Amandine Saint Martin et ses compagnons de danse et de voyage ont débarqué de Port-au-Prince. Fatigués, excités par l’aventure, toujours une pensée grise pour le pays qui ne cesse de s’écrouler sous les coups bas des gang-sters ! Amandine, cheveux très courts et longiligne n’est pas très chargée, son bagage est quelque par entre Caraïbe et Région parisienne, dans un hangar, une soute ou une remorque d’aéroport ! Elle n’a pas l’air trop inquiet. Après les embrassades d’usage, nous partons vers la maison du Goupillou. Charline Jean Gilles et David Duverseau, restent à la Maison des Auteurs et Autrices de Limoges.

Prendre ses marques : la première opération à réussir pour qu’une résidence soit concluante. Amandine Saint Martin les prend en discrétion et large sourire. Elle semble satisfaite des espaces proposés pour l’écriture et la danse. La météo est resplendissante, les fleurs et les jeunes feuilles vertes illuminent le paysage, Amandine mange comme un oiseau, j’étais prévenu, c’est confirmé. La maison du Goupillou prend peu à peu le rythme tout en retenue de la jeune « dansécrivaine ».
Les discussions partent dans tous les sens : les pâquerettes qui tapissent la terrasse ; comment faire un gâteau à l’avoine ? En quelles langues les radios haïtiennes diffusent-elles * ? Pourquoi Claude Martí, le poète chanteur occitan, parle-t-il de Cuba dans une chanson - que s’est-il passé sur le plateau du Larzac dans les années 70 – manifestation pacifique et politique contre l’extension d’un camp militaire ? Amandine écoute avec attention et plaisir le troubadour occitan, elle comprend le combat contre le camp militaire, la résistance civile, l’engagement citoyen. Elle-même pense que peut-être un jour, elle abandonnera la danse pour jouer un rôle social plus affirmé. La tragédie qui paralyse Haïti ? On en parle ? Oui, mais pour quoi faire ? Trop dur. Douleurs dans les tripes. Pensées pour la famille, les ami(e)s, aussi pour Port-au-Prince qui peut-être un jour n’existera plus...

N’existera plus si les gangs, les mafias et tout le cirque qui se repaît du drame comme les charognards dépècent un cadavre encore chaud, voir encore vivant, vont au bout de leur mission diabolique. Tout cela, Amandine l’a en tête. Comment s’en débarrasser ? Pourtant, elle est là pour écrire. Libérer son esprit pour poétiser sa conception de la danse et transmettre à ses consœurs le sens politique des danses haïtiennes. Voilà à quoi sert une résidence ! Mettre à distance le quotidien et plonger dans ses rêves, ses visions, ses plaisirs, pourquoi pas dans sa mission ?

Ce soir, 1er mai, Amandine Saint Martin rencontre pour la première fois le milieu de la danse mareuillais. Car, aussi étonnant que cela puisse paraître, la danse est sans contestation l’art le plus répandu dans notre petit canton. Nous passons chercher l’amie de la maison du Goupillou, Christine Zwingmann de Beaurecueil Forge de la Poésie, pour nous rendre au spectacle proposé par la compagnie de la new-yorkaise Mari Meade, installée depuis quelques années à Mareuil. Dans le cadre de l’événement départemental, « Châteaux en fête », Mari Meade a été invitée par les propriétaires du Château de Lasteyrie pour interpréter « One sweat dream », chorégraphié par sa compatriote Olivia Miranda. Une heure de spectacle, pieds nus sur le gazon de Lasteyrie, Giana, Dennzyl, Likakoi, Mary Ann, Sarah et Gillian tous from USA, mettent en pas et en image le célébrissime Abbey Road des non moins célébrissimes Beatles.
Que de danseuses et un danseurs. Amandine ne manque pas de possibilités de papotage, voir plus !
Il est question de se revoir... une résidence, c’est aussi cela, se remplir de l’énergie des autres... et retourner dans son abri à la maison du Goupillou.

* Français et créole

Le 10 mai, Amandine Saint Martin rejoindra Charline, David, l’autrice Gaëlle Bien-Aimée et leur petite fée, Soraya, à Paris où ils participent au festival Zoom#10 à Théâtre Ouvert – Centre National des Dramaturgies Contemporaines, avec la pièce « Aimer en stéréo ».
L’écriture et l’expression haïtienne à l’honneur.

PRODUCTION : Compagnie Actambule
COPRODUCTION : Les Francophonies – Des écritures à la scène, Théâtre de l’Union – CDN du Limousin
SOUTIENS : La Chartreuse Villeneuve Lez Avignon Centre national des écritures du spectacle, Le Préau CDN de Normandie -Vire

… puis reviendra jusqu’à la fin du mois de mai...


13 04 2025

Amandine Saint Martin
© Aimablement prêtée par Amandine Saint Martin

Amandine Saint Martin, mots d’une danseuse

Bien que ne faisant pas la Une des actualités de 20h, la violence et l’isolement vécus par les Haïtiens depuis des années n’en sont pas moins tragiques. Contre toute rationalité, le cœur de ce pays meurtri irrigue un milieu culturel résistant, vivace et reconnu dans toutes les places-fortes de la littérature, de la poésie et du théâtre francophone. Lyonel Trouillot, un des chefs de file de ce patrimoine immatériel, ne bougonnait-il pas lors d’un Forum de la langue française à Québec qu’il préférerait qu’il y ait moins de littéraires en Haïti et plus de plombiers…

Plombière, Amandine Saint Martin ne l’est certes pas – à moins que ce ne soit un oubli dans son impressionnant curriculum vitae. La première résidente de l’année 2025 ne se présente pas aisément, encore moins brièvement. Surtout pas en 10 lignes. Seules choses dont nous sommes à peu près certains est qu’elle vient d’Haïti – en passant par la République Dominicaine pour échapper aux troubles de son pays – qu’elle est dans la trentaine et que rien ne l’arrête. Enfin, cette dernière réflexion est une pure spéculation qui «  s’impose » à la lecture des CV, notes et documents divers qu’elle a fait parvenir à la maison du Goupillou.

Amandine Saint Martin
Aimablement prêtée par Amandine Saint Martin

Qui êtes-vous Amandine Saint Martin ? Danseuse ? Oui, mais pas n’importe laquelle. Danseuse engagée ? Danseuse politique ? Oui, si on considère que sa volonté de chambouler les approches des danses haïtiennes et caribéennes et de ne plus les considérer uniquement comme un folklore fait d’elle une penseuse de son art. Remonter le fil des Histoires, parler aux classes opprimées, transmettre, interpréter et réinterpréter...

Mais que venez-vous faire dans une résidence d’écriture, Amandine Saint Martin ? Danseuse, disions-nous ? Oui, mais danseuse au parcours universitaire zigzaguant entre Sciences de l’Éducation, des recherches en encadrement psychosocial, un suivi de cours d’anthropologie à la faculté de Sciences humaines à l’Université d’État d’Haïti... stoooop !

Amandine Saint Martin viendra donc écrire, souhaitons-le aussi danser – chers ami(e)s de la maison du Goupillou, vous n’êtes pas sans savoir que la danse est une des activités artistiques premières du Mareuillais. Avis à toutes les amies... Christine, Violaine, Marie et Louise ! Rencontres à venir...
Amandine sera des nôtres dès le 29 avril et le sera tout le mois de mai.

« Ha », j’oubliais, dans une prochaine communication je vous parlerai d’une amie de la maison du Goupillou, Soraya, sans qui Amandine Saint Martin ne serait pas des nôtres. Clin d’œil à elle !


Amandine Saint Martin
© Festival Kont Anba Tonèl

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