Claudia Shimwa (Rwanda)

… vient d’un pays qui vit au rythme des visages déconfis. Celui des gens qui croisent un de ses ressortissants quand ils apprennent que ce dernier est rwandais... Claudia Shimwa est rwandaise, pensée instantanée, les mots restent sur et dans les cordes, vocales ou non.... Et, que fais-je en ce moment ? J’entretiens le mouvement. Je ne peux me retenir de parler ou de sous-entendre avec une immense maladresse ce qui, pourtant ne la caractérise pas fondamentalement. Mais comment parler de ce « Petit pays » comme dit Gaël Faye sans avoir une pensée immédiate pour cette année anthracite nonante quatre ? Le « hic » est que Claudia ne se vit pas comme un étendard, un fanion que l’on sortirait dès que le mot Rwanda est de sortie ! Oui, elle était une toute petite gamine quand l’effroyable s’est abattu sur Kigali et les 1000 collines. Oui, elle a échappé à l’indicible. Mais sa poésie, sa gestuelle, ses rythmes, ses rires et ses rimes ne sont pas des échos permanents au passé.
Peut-on rire après Auschwitz ? Peut-on écrire après le 7 octobre 2023 ? Peut-on danser après Gaza 2024 – 2025 ? Un certain Pierre Desproges * humoriste cinglant et peu regardant sur le pourcentage de provocation de ses textes est un des tenants du « oui, on peut rire de tout mais pas avec n’importe qui », propos dits sur la radio France Inter et écrits à plusieurs reprises au début des années 80. Maxime à laquelle il ajouta dans un écrit : « Il vaut mieux rire d’Auschwitz avec un Juif que de jouer au Scrabble avec Klaus Barbie ». Pardon, je m’éloigne du sujet... pas tant que cela finalement. Claudia exerce ses arts, sans rien oublier mais aussi en s’autorisant à être jeune et à vivre sans être en mode repeat again ! Nous en sommes fort ravis ! Claudia et l’ami Pierre même combat, avec des armes différentes.

Ici, Claudia s’est fondue dans toutes les sollicitations et propositions. Certes, avec la rigueur toute rwandaise, ce peuple n’est-il pas re-connu pour son silence culturel et un certain sens de l’organisé, parfois un brin rigide. Certains et certaines... oui... Mais son côté bourlingueuse, performeuse et poétesse en fait une Rwandaise singulière.
Attention, encore un pas de côté. Poétesse, un mot qui ne vient pas naturellement d’elle. Elle ne prend pas la pose en s’affirmant poétesse. Une réticence tout à son honneur qui vient de la hauteur à laquelle elle place la barre. Quand on a comme poésie de chevet Marina Ivanovna Tsvetaïeva et Anna Akhmatova, accoler son nom à ce duo est un risque vertigineux. Oui, mais... il faut bien se lancer, oser et faire preuve d’une audace pourquoi pas malaisante autant qu’incontournable. Et elle ose ! Chic.

Rigueur avons-nous dit ? Souvenons-nous de ce moment imprévu* où les organisateurs de la rencontre entre un public parsemé de chaises vides et Abdourahman Waberi lui demandèrent si elle voulait bien lire un extrait d’un livre du romancier djiboutien et que n’hésitant pas, elle déclina la proposition. Consciente que de ne pas connaître le texte, ne pas l’avoir en bouche, interdirait l’excellence, simplement le respect du texte. Rigueur. Sourire pour Amina Jules Dia, qui, elle du haut d’une insouciance souriante et d’un plaisir du moment répondit à la même question par un « oui » éclatant, spontané et ravissant. Doit-on en tirer la conclusion essentialiste qu’être née à Dakar ou aux alentours prédestine à davantage de capacités d’improvisation que d’être née sous le ciel de Kigali ? Peut-être ? Mesdemoiselles, dites-moi si j’abuse de conclusions à deux sous !

Bourlingueuse ? Kigali, Berlin puis la maison du Goupillou avant de fondre sur Avignon... un bel été, non ? Ici, tes traces, chère Claudia, ne sont pas prêtes de s’effacer. Formellement ou non, tu reviens quand tu veux...

* Pierre Desproges, sa famille et son lieu de vacances sont à 30 kilomètres de la maison du Goupillou, à Châlus en Haute-Vienne. Village à l’esprit ouvert, très ouvert, qui a donné le nom de son célèbre trublion à son collège. Audacieux, chapeau !
* Voir le blogue 2/2



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