Camille Moreau (France / Belgique)

07 05 2024

Qui se cache derrière... le fauteuil en osier ? le pseudonyme ? le découpage à la hache de l’œuvre originale ?



Emmanuelle, les moins jeunes se souviennent de ce film dont le minois – et le reste – de Sylvia Krystel délicatement assise sur un panier en osier devenu légendaire... un succès qui doit bien faire marrer les visiteurs des plateformes de films X voire XXL mais qui dans les années 70 du siècle dernier était projeté dans les cinémas dits normaux. Emmanuelle était donc bien un film subversif. 150 millions de spectateurs dans le monde, 8,5 en France...
Oui, mais voilà, il y a un « hic ». Le livre qui servit de trame au réalisateur Just Jaeckin est tout sauf un libertinage dans la moiteur de Bangkok. C’est un livre philosophique puissant, un livre majeur de la littérature, un texte inspirant. Quant à l’autrice présumée, Emmanuelle Arsan... qui finalement n’est pas personne unique mais plutôt un nom collectif, sa figure complexe mérite qu’on s’y intéresse, qu’on l’examine, qu’on remonte dans son passé et qu’on tente de décrypter qui elle est, qui ils sont...

Cette biographie – qui n’en est pas vraiment une – fut en partie écrite à la maison du Goupillou, au printemps 2023. Camille Moreau nous a accordé une longue interview profonde, drôle, hésitante... Pourquoi hésitante ? La réponse à cette affirmation bizarre viendra de l’écoute des extraits sonores mis en ligne ci-dessous. Des temps morts, des soupirs, des rires ponctuent le pin pong engagé avec l’autrice... comment restituer cela par une transcription sur le papier ? La maison du Goupillou est très heureuse de vous proposer la voix et l’enthousiasme de Camille Moreau...

« Il est parti à l’imprimeur hier ! » C’est par ces mots que Camille Moreau ouvre notre « visio  ». Je sens le soulagement. Dans la foulée, la jeune femme poursuit « je peux enfin en parler ». Soulagement bis. Pourtant, à la question, « es-tu bien dans tes baskets ? », elle lâche un franc « oui  », immédiatement bémolisé par « enfin ça dépend des jours... » Étonnement, le léger doute n’est pas directement lié au futur accueil du livre par libraires et lecteurs, mais plutôt savoir si les efforts de son éditrice seront récompensés. Derrière Camille Moreau, Anne Hautefeuille et la maison d’édition la Musardine attendent les prochains jours avec gourmandise et nuits blanches. Pour ce qui est des nuits blanches, j’invente... Juste une impression.

Mais de quoi parle-t-on ? La Musardine ? Très vite, la distinction se fait entre ceux qui savent ce qu’est cette maison d’édition et les autres. La Musardine publie, faisons simple, des ouvrages qui décortiquent l’érotisme et en fait un sujet des plus respectables. J’insiste pour ceux qui ne connaîtraient pas. Et le livre que Camille Moreau s’apprête à disperser sur les rayons des librairies est la biographie, singulière, dans le fond et la forme, d’Emmanuelle Arsan, autrice d’Emmanuelle dont le film façonna le succès autant qu’il en détricota le sens. Quand à "Emmanuelle Arsan", existe-t-elle vraiment ? Là est le nœud, la clef de cette biographie d’un pseudonyme.

Travail de longue haleine ?

Biographie ? Non. Bidouillage pour « inventer » une formule ?

Les dilemmes du « biographe » à l’heure des choix

Les doutes qui tenaillent Camille Moreau

Désir d’être lu par ceux qui ne n’aiment que la fiction...

Se lire !

Et l’avenir, déjà de nouveau projets ?

Peur d’être cataloguée « érotique » ou pas !

Soyons honnêtes, Camille Moreau fut d’une discrétion studieuse totale lors de sa résidence. Un repas volé, un soir, histoire de lui faire rencontrer les amis de Beaurecueil - Forge de la poésie. Une vraie vie monacale pour cette docteure ès philosophie art et érotisme. Bien que ne profitant pas des nombreux attraits des alentours de la maison du Goupillou, Camllle Moreau est une ambassadrice de premier choix...

A la maison du Goupillou, seulement 10 jours...

Marcher met en route le cerveau !

La maison du Goupillou et la Villa Médicis dansla même phrase... Merci chère Camille !

16 07 2023
Arrivée à la maison du Goupiillou le 13 juin, Camille Moreau résume ici, en quelques mots, "l’objet" de son livre. Promesse ardente !

« Il existe un livre, qui porte un prénom. Un prénom tout en consonnes, nasales, labiales, un prénom qu’on embrasse plus qu’on ne le prononce, un prénom érotique déjà, qui le devint plus encore par la suite : Emmanuelle.
Ce livre a été écrit, parait-il, par une personne qui s’appelle aussi Emmanuelle. Mais Emmanuelle Arsan n’a jamais existé.
Une femme, bien réelle, elle, a pourtant porté un temps le masque d’Emmanuelle Arsan. Une femme qu’on a effacé derrière une autre, aux cheveux courts, à l’accent hollandais ; une femme qu’on a transformé en fauteuil en rotin ; une femme dont on a oublié les écrits.
Cette femme était née en Thaïlande, son vrai prénom était Marayat. Elle a fait du cinéma, des mathématiques, de la philosophie. Elle a été le visage d’Emmanuelle Arsan, elle a vécu la vie d’Emmanuelle. On dit parfois que le roman est le sien, qu’il raconte seulement son histoire, ou qu’il n’a rien à voir avec elle. C’est elle que l’on voit sur la photo qui accompagne ce texte.
Tout ce qu’on trouve sur Internet sur elle est faux, ou seulement partiellement vrai.
Cela valait bien un livre, n’est-ce pas ?

Voilà sur quoi je travaille depuis maintenant plus d’un an, plus de dix si l’on pense que j’ai commencé ma recherche sur Emmanuelle lors de mon master. J’écris une biographie d’Emmanuelle Arsan. Qu’est-ce que cela fait, d’écrire la biographie d’un auteur fictif ? Ça fait des nuits d’insomnie, des journées entières à fouiller des archives, des matinées à tenter d’obtenir des entretiens, des centaines de kilomètres parcourus, des milliers de pages consultées, des cartons de livres dévorés. Cela fait des désespoirs fréquents, des grandes joies aussi, et surtout, cela donne la conviction, au fur et à mesure que cette histoire vaut d’être racontée.
D’ici la publication du livre, dans plusieurs mois (patience !), je vous présenterai régulièrement ici les personnages de cette histoire qui, eux, ont tous existé
. »


Camille Moreau - © Patrick Galbats


Marayat
© collection privée

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